iebeler
6. B
box 13/4
ei ie peupie de Vienne
La Grande Roue balance sur le ciel
ses wagonnets vides; les marchands
de sodas, d’amandes grillées, de fruits,
de saucisses et de concombres salés
criaillent en vain; La musique des ma¬
neges est une symphonie luxuriante de
rengaines oubliées, datant de l’avant¬
guerre; Les divinités peintes sur les
devantures des cirques se décolorent
stoiquement au soleil; Dans un nuage
de poussière, un peu pareils aux Pari¬
siens d’humeur moins gouailleuse mais
plus joviale, badaudent les Viennois;
et c’est le Prater l.. la grande foire aux
illusions viennoise.
Le cinéma est ici un dérivé du cir¬
que. Celui des Actualités, à l’entrée
méme de la foire: le # Planetarium¬
Rino 2, est une sorte de hutte cana¬
dienne ou, en sus des actualités, on a
droit à un faux ciel g semé) de simu¬
lacres d
les: Des points lumineux
se dépl
sur la coupole passée au
bleu so
des nuite sans lune, et, au
momer
cet infini de quelques mé¬
tres de ire place à la lumière, c’est
au-des: ie nos tétes, une fuite éper¬
due d’ es filantes. Le ciel fiche lit¬
téralem
le camp de tous côtés, vous
chavire cceur et donne un avant¬
goüt du roulis éternel. Dressé devant
la porte un commis-voyageur en belles
paroles, aux moustaches cirées, culotté
et botté comme un écuyer de cirque, in¬
cite le public à l’élan cinégraphique,
mais celui-ci, retenu un instant, traine
sa fantaisie plus loin, vers le centre. Là,
péle-méle, de g la Nuit de Walpurgis .
au & Guignol ##et des & Dioramas2 aux
brasseries sous les feuillages, la foire
étripe ses merveilles. Un ciné, deux ci¬
nés, une floraison de cinés ! Baraques
de planches flanquées d’estrades à ha¬
ranguer la foule, d’affiches éclatantes,
de haut-parleurs et de tarifs à la craie
sur panneaux d’ardoise. Pas besoin de
musique par exemple; elle afflue de
toutes parts, des débits de bière, des
cirques et des manèges. Ici cLaurel et
Or
Hardy s dans 4 La parade du rire );
la g fritz kampess # et là, enfin, (com¬
me c’est étrange en apparence !) (Lie¬
belei 9.
Mais entrons, et pour 70 Grosschen,
(quelque chose comme 2 fr.) allons re¬
voir Liebelel.., La confuse mélopée du
dehors transpire à travers les parois lé¬
gères de la baraque foraine, prête, di¬
rait-on, à reprendre sa route incertaine
des l’aube de demain, trainée par deux
rosses danubiennes.,, mais dans la sal¬
le regne un grand silence d’adoration !
Une comédie de Molière est comprise
d’instinct par le peuple de Paris; uns
comédie de Shakeaspeare ne trouve son
écho véritable que dans une áme an¬
glaise, mème ignorante, et l’aventure de
Christine, contée par Schnitzler rétrou¬
ve, à Vienne, en chäfus äme dödvrier
de servante ou de galopin sa vraie ré¬
sonance. Elle évoque ces petits restau¬
rants entourés de treillages verts, à
l’abri de la rue, et ces anciens villages
de banlieue, avcc leur église et leurs de¬
neures aux longs toits, aux multiples
Zenétres et aux balcons redondants.
Que ce soit ce café ou dansent Chris¬
tine et Fritz, avec son piano mécanique,
sa gaité peu bruyante, peu brutale et
sans décor, ou ces ru s obscurcies, en¬
scaissées entre deux files muettes de
„vieilles maisons, il n’est aucune image
**
gdont l’atmosphère ne soit particulere¬
zment viennoise.
Tout Vienne semble devoir se reflé¬
iter en ce double miroir que sont les vi¬
Isages de Christine et de Mizzi: la Vien¬
ne aristocratique et l’autre, la popu¬
laire. L'une a cette sorte d’impondéra¬
ble tristesse qu'amortit l’éclat de sa
gaité; l’autre cette insouciance derrié¬
#re laquelle se devine la profondeur de
ses attachements.
La Vienne d’aujourd'hul se survit à
elle-méme; Christine aimera, malgré
tout, jusqu'à la mort et le tragique de
l'cuvre de Schnitzler étonnera les seuls
étrangers: Vienne ne se farde-t-elle
pas d’éternelle insouclance, mème quand
tragique est sa destinée ?
On finit par se demander s’il est pos¬
sible de vraiment comprendre Liebelei
ailleurs que parmi ces gens du peuple,
à la grande foire du Prater, et je son¬
geais à ces Allemands qui soulignent si
fort le charme du g 14 juillet n de René
Clair, nul d’entre eux n’en peut pour¬
tant comprendre le sens exuct, la vraie
valeur spirituelle, ni la vraie qualité de
cceur pour n’avolr pas longuement vé¬
cu à Paris !
Simone Dubreullh.
6. B
box 13/4
ei ie peupie de Vienne
La Grande Roue balance sur le ciel
ses wagonnets vides; les marchands
de sodas, d’amandes grillées, de fruits,
de saucisses et de concombres salés
criaillent en vain; La musique des ma¬
neges est une symphonie luxuriante de
rengaines oubliées, datant de l’avant¬
guerre; Les divinités peintes sur les
devantures des cirques se décolorent
stoiquement au soleil; Dans un nuage
de poussière, un peu pareils aux Pari¬
siens d’humeur moins gouailleuse mais
plus joviale, badaudent les Viennois;
et c’est le Prater l.. la grande foire aux
illusions viennoise.
Le cinéma est ici un dérivé du cir¬
que. Celui des Actualités, à l’entrée
méme de la foire: le # Planetarium¬
Rino 2, est une sorte de hutte cana¬
dienne ou, en sus des actualités, on a
droit à un faux ciel g semé) de simu¬
lacres d
les: Des points lumineux
se dépl
sur la coupole passée au
bleu so
des nuite sans lune, et, au
momer
cet infini de quelques mé¬
tres de ire place à la lumière, c’est
au-des: ie nos tétes, une fuite éper¬
due d’ es filantes. Le ciel fiche lit¬
téralem
le camp de tous côtés, vous
chavire cceur et donne un avant¬
goüt du roulis éternel. Dressé devant
la porte un commis-voyageur en belles
paroles, aux moustaches cirées, culotté
et botté comme un écuyer de cirque, in¬
cite le public à l’élan cinégraphique,
mais celui-ci, retenu un instant, traine
sa fantaisie plus loin, vers le centre. Là,
péle-méle, de g la Nuit de Walpurgis .
au & Guignol ##et des & Dioramas2 aux
brasseries sous les feuillages, la foire
étripe ses merveilles. Un ciné, deux ci¬
nés, une floraison de cinés ! Baraques
de planches flanquées d’estrades à ha¬
ranguer la foule, d’affiches éclatantes,
de haut-parleurs et de tarifs à la craie
sur panneaux d’ardoise. Pas besoin de
musique par exemple; elle afflue de
toutes parts, des débits de bière, des
cirques et des manèges. Ici cLaurel et
Or
Hardy s dans 4 La parade du rire );
la g fritz kampess # et là, enfin, (com¬
me c’est étrange en apparence !) (Lie¬
belei 9.
Mais entrons, et pour 70 Grosschen,
(quelque chose comme 2 fr.) allons re¬
voir Liebelel.., La confuse mélopée du
dehors transpire à travers les parois lé¬
gères de la baraque foraine, prête, di¬
rait-on, à reprendre sa route incertaine
des l’aube de demain, trainée par deux
rosses danubiennes.,, mais dans la sal¬
le regne un grand silence d’adoration !
Une comédie de Molière est comprise
d’instinct par le peuple de Paris; uns
comédie de Shakeaspeare ne trouve son
écho véritable que dans une áme an¬
glaise, mème ignorante, et l’aventure de
Christine, contée par Schnitzler rétrou¬
ve, à Vienne, en chäfus äme dödvrier
de servante ou de galopin sa vraie ré¬
sonance. Elle évoque ces petits restau¬
rants entourés de treillages verts, à
l’abri de la rue, et ces anciens villages
de banlieue, avcc leur église et leurs de¬
neures aux longs toits, aux multiples
Zenétres et aux balcons redondants.
Que ce soit ce café ou dansent Chris¬
tine et Fritz, avec son piano mécanique,
sa gaité peu bruyante, peu brutale et
sans décor, ou ces ru s obscurcies, en¬
scaissées entre deux files muettes de
„vieilles maisons, il n’est aucune image
**
gdont l’atmosphère ne soit particulere¬
zment viennoise.
Tout Vienne semble devoir se reflé¬
iter en ce double miroir que sont les vi¬
Isages de Christine et de Mizzi: la Vien¬
ne aristocratique et l’autre, la popu¬
laire. L'une a cette sorte d’impondéra¬
ble tristesse qu'amortit l’éclat de sa
gaité; l’autre cette insouciance derrié¬
#re laquelle se devine la profondeur de
ses attachements.
La Vienne d’aujourd'hul se survit à
elle-méme; Christine aimera, malgré
tout, jusqu'à la mort et le tragique de
l'cuvre de Schnitzler étonnera les seuls
étrangers: Vienne ne se farde-t-elle
pas d’éternelle insouclance, mème quand
tragique est sa destinée ?
On finit par se demander s’il est pos¬
sible de vraiment comprendre Liebelei
ailleurs que parmi ces gens du peuple,
à la grande foire du Prater, et je son¬
geais à ces Allemands qui soulignent si
fort le charme du g 14 juillet n de René
Clair, nul d’entre eux n’en peut pour¬
tant comprendre le sens exuct, la vraie
valeur spirituelle, ni la vraie qualité de
cceur pour n’avolr pas longuement vé¬
cu à Paris !
Simone Dubreullh.